J’ai visité Desvres, presque au hasard, comme on tire à pile ou face : « un verre au Touquet ou une visite d’un collectionneur de faïence à Desvres Marion » ? J’avais le choix, c’était mon anniversaire, c’était avec mes copines. On avait quelques heures, juste pour nous. C’était le 2 mai 2022 et j’ai choisi Desvres.
Je suis arrivée dans cette ancienne faïencerie. Fermée depuis 20 ans. Elle est restée dans son ambiance étrange, un mélange de fin de règne et de témoignage d’un passé prospère. Je suis entrée dans l’atelier principal et j’ai touché les carreaux cassés au sol. La première pièce tombe : « tu ne peux plus faire le travail que tu fais aujourd’hui ». Puis je relève les yeux vers ces blocs lumineux, en typo des années 70’ qui clignotaient, à bout de force : VESTAIRES HOMME / VESTAIRES FEMME. La seconde pièce tombe : « ici il y avait des centaines de personnes qui travaillaient et qui vivaient de la faïence, aujourd’hui il n’y a plus rien de tout ça ».
Durant 200 ans Desvres c’était des manufactures de faience, des milliers d’emplois, des centaines de familles qui en vivaient, un territoire renommé. Au moment où je visite c’est un territoire en souffrance et un savoir-faire qui se perd.
Finalement c’est allé assez vite dans ma tête. J’ai très rapidement eu envie d’en savoir plus mais surtout d’être celle qui allait essayer de relancer et faire ressusciter ce savoir-faire. Je trouvais d’ailleurs incroyable que personne ne se soit emparé de cette opportunité avant moi. Ça me semblait fou, je touchais du doigt une pépite et j’étais la seule à voir ça ? Vraiment ? Pendant tout le développement, le dépôt de la marque, le montage du projet, je n’avais qu’une peur : que quelqu’un sorte le projet avant moi.
La vérité c’est que ce qui m’a tout de suite tenu à cœur ça a été de recréer des emplois, de retrouver le savoir-faire, de faire en sorte que les locaux soient de nouveaux fiers. Je voulais que tout le monde puisse voir Desvres tel que moi je le voyais pour la première fois. Et ces objets… La vaisselle, la faïence, évidemment que cela a pris tout son sens. Tout s’est aligné ce jour-là. Parce que réunir des personnes que l’on aime autour d’une table et créer des souvenirs autour de la belle vaisselle c’est précisément ce que je n’ai pas connu et que j’essaie de reconstituer depuis lors. Alors oui, fabriquer des pièces de faïence pour tous les jours, je me suis dit : ça c’est pour moi, c’est moi, je vais le faire.
Il n’y avait rien à reprendre, personne avec qui s’associer. Il a fallu tout redémarrer de zéro. Pour tout, absolument tout. Mais j’avais avec moi ce territoire incroyable, cette histoire, ce faste passé. Alors j’ai commencé par aller dans les cafés et j’ai demandé : « qui sait encore fabriquer de la faïence de Desvres ? » et j’ai rencontré des artisans passionnés. Des personnes que la fin des faïenceries a abimé, un vrai drame, mais qui veulent encore croire que c’est possible. Que Desvres n’est pas rayé de la carte des faïenceries françaises. Ce sont des personnes formidables qui m’ont beaucoup transmis.
Vous ne me croiriez pas si je vous dis que je n’ai jamais eu peur jusqu’ici. La peur, elle arrive maintenant. C’est étrange n’est-ce pas ? Cette inconscience qui peut nous porter loin parfois. En ayant la certitude que c’est ce qu’il faut faire, que c’est bien là où il faut être.
Voilà, je voulais juste vous dire quelques mots (et j’ai fait trop long) sur Des Rêves et le tout début de l’aventure. Parce que j’ai été tellement emportée par ce projet que je ne me suis jamais arrêtée pour vous en parler. Comme me dit une amie : « Des Rêves c’est le projet de ta vie, Marion ». Je crois qu’elle a raison.
A très vite.
Marion